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L’homme qui marche, roman des frontières (Yves Bichet, 2014)



Yves Bichet a écrit un roman où un homme ne fait que marcher, libre et joyeux. La marche est le ciment qui a rendu forte son âme. Pour lui, la marche est un socle, pas un sport, non; un terreau de méditation. Il marche sur des sentiers battus, ces chemins escarpés qu’il n’aurait peut-être jamais connus si la femme aimée ne l’avait pas quitté, si son créateur ne s’était pas lui-même baladé entre la Provence et le Dauphiné, le long de la frontière, tout là-haut sur la crête, comme me l’a confié Yves Bichet lors de notre rencontre fin février.


Il nous emmène longer les frontières de jour comme de nuit, et puis un matin il les ouvre, les frontières; pour nous, il va au-delà de tout. Pris un peu malgré lui dans le carnaval de la vie, il se met à transcender les frontières pour sa survie et la vague idée qu’il se fait du bonheur. Commence alors une virée en plein rêve, entre les nuages et sur les crêtes. Parce que l’homme qui marche adore l’altitude même s’il souffre un peu du vertige; parce qu’il ne sait rien faire d’autre que ça : marcher. Nulle part où jeter l’ancre, nulle part où s’amarrer si ce n’est après les franges de nuages qui disparaissent en un instant.


L’homme qui marche a beau essayé d’imaginer la suite - une vie sans frontière -, sa terrible sciatique l’en empêche. Il a le dos en charpie et jamais plus il ne marchera droit sur le bout de frontière qui l’a vu naître; ou plutôt qui l’a vu renaître. Il est juste ce marcheur négligent qui file à l’anglaise vers la plus belle frontière du monde, celle de la liberté. Cette frontière qu’il nous faut tous traverser un jour pour savoir qui l’on est, avec un goût d’ortie dans la bouche à force d’avoir faim de vie et soif d’amour.


L’homme qui marche. Un livre singulier qui en dit long sur les désirs partagés d’un randonneur et de son ombre, tous deux perdus sur un bien trop beau sentier de montagne. Des pages qui nous emmènent dans les brumes frontalières du réel et de l’inconscient, de la nature et de la violence à travers les âges.


O. V.

Sydney, 7 mars 2021.

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